
Sœur Joséphine n'avait pas froid aux yeux. Ni sa langue dans sa poche. Fantasque, imprévisible, haute en couleur, elle était devenue la coqueluche des médias ; multipliant les interventions, s'invitant sur tous les sujets, au risque de se mettre à dos tantôt les mécréants, tantôt les bigots, et aussi bien les pisse-froid, les envieux, les rabat-joie, bref, ce qui constitue l'essentiel de l'opinion publique.
Mais elle pouvait se le permettre ; sa notoriété, et aussi la formule de l'eau-de-vie du monastère de Chaumy – la José-Fine, fruit du hasard et d'une soirée bien arrosée – la mettaient à l'abri des attaques. L'archevêché, à qui elle abandonnait généreusement ses royalties, lui passait tout.
Aussi, quand elle déboula, déguisée en martienne, vêtue de vert avec un casque orné de deux antennes, sur le rond-point principal du chef-lieu, le buzz fut à la hauteur de sa renommée. Télés et radios étaient sur place dans les dix minutes, laps de temps pendant lequel la sœur resta stoïquement muette face aux questions.
L'impensable se produisit : le silence se fit. Les gendarmes, les curieux, les gilets jaunes, jusqu'aux journalistes se turent. Alors, avec ce sens de la mise en scène qu'on lui connaissait, la sœur sortit un téléphone portable de sa poche et fit mine de composer un numéro :
– Allo ! Macron, tu m'entends ? C'est sœur Joséphine ! Je t'appelle de la planète Mars. Je me suis dit que ça serait plus facile de te joindre, vu que ça fait 18 mois que tu n'as plus les pieds sur la Terre. Tu sais que là-bas, en France, il y a des gens qui ont du mal à finir le mois ?
Et elle raccrocha sur un "non, mais allo quoi !" dans un tonnerre d'applaudissements.
Image : Wix
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