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Narisuy mne ovtsu !


Centre commercial.

Je n'ai pas prévu d'acheter le journal. Mais un stand "Ouest-France" est sur mon chemin. On échange. On me remet gentiment l'exemplaire du jour, agrémenté d'une mention "offert" manuscrite, histoire que je ne n'aille pas le revendre en chemin.


Yang-eul geuryeo juseyo !


Au café, mon escale suivante, je parcours le quotidien – on lit un livre, on parcourt un journal – en compagnie d'un crème. La dernière page est consacrée aux 80 ans de la parution du Petit Prince. Il ne les paraît pas… On apprend dans un articulet en bas à droite que cette œuvre est l'une des cinq préférées d'un président qui vient d'envahir un pays voisin pourtant proclamé frère – une acception caïnesque de la fraternité !


Teiknaðu mér kind !


Rien n'est dit sur les quatre ouvrages qui accompagnent le premier ; certainement d'autres livres pour les enfants, de ceux qui forgent une personnalité. J'imagine, un peu au hasard : Pinocchio, le gamin que ses mensonges trahissaient ? Babar et ses grandes oreilles, si pratiques pour tout entendre ? Le vilain petit canard, celui dont le cursus déjoue les pronostics défaitistes ? Ou encore Alice aux pays des merveilles, parangon de la réalité virtuelle ?


Bana bir koyun çiz !


Dubitatif, je me lève pour régler. Un bonjour à mon voisin, un habitué qui carbure au coca ; de table en table, nous voilà embringués dans une discussion à trois : importante et d'une belle efficacité, puisqu'en cinq minutes, pas plus, on règle la question des retraites. Si le gouvernement, l'opposition ou les syndicats veulent vraiment le bien du pays, qu'ils sachent que les bars et les cafés français regorgent de citoyens responsables et matures, prêts à transmettre leur sagesse, sans qu'il soit besoin de mobiliser à grands frais des conventions citoyennes !


Marraztu nire behi bat !


Avant de partir, je fais part à notre think tank de l'article du jour et de ma surprise sur les goûts littéraires du chef d'état. Affûtés par notre première discussion, leurs commentaires tombent, rapides et péremptoires. Le premier affirme : "il ne l'a pas lu jusqu'au bout !" Le second postule : "le traducteur était membre du parti !"


Joonista mulle lammas !


Bien joué, mais j'ai peur que l'explication soit plus complexe. Peu importe. Nous venons de faire une découverte collective capitale. On se demande parfois si la musique adoucit les mœurs. En ce qui concerne la littérature, nous avons maintenant la preuve qu'il n'en est rien !


Zografisé mou ena próvato !

Teken een schaap voor me !

Zeichne mir ein Schaf !

Dibújame una oveja !

Disegnami una pecora!

Draw me a sheep!

Dessine-moi un mouton !


Photo : Sahara Crash-1935/André Prévot, Public domain, via Wikimedia Commons

Ajouts de Saint Ex : Pour l'ami Hirsch. En souvenir de journées mélancoliques… mirage d'un bar

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