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Je m'excuse !



Je m'excuse ! Oui, je sais, on doit plutôt dire "excusez-moi !" Mais là, il y a urgence, j'ai pas vraiment le temps de finasser. Donc, je m'excuse : de briser les codes, de prendre la parole au grand jour, au lieu de me planquer derrière un narrateur qui sait tout sur tous, ou d'écrire à la première personne comme si j'étais l'assassin ou le Don Juan du récit, moi qui ne ferais pas de mal à un moustique tigre et dont le pouvoir de séduction avoisine le moins que rien. Aujourd'hui, c'est moi, l'auteur, qui vous parle, en vrai, en live !

Pourquoi ? C'est que je viens de lire, dans un magazine scientifique honorablement connu, un article intitulé "L'antimatière n'antigravite pas[*] !" Terrifiant, non ? Si vous ne saisissez pas immédiatement la menace contenue dans cette révélation, donnez-moi un instant pour vous l'expliquer.


La pesanteur, c'est un peu comme l'amour, en plus simple et moins grave. L'amour, ça attire tout ce qui bouge, mais pas toujours pour toujours ; la gravité, ça attire même ce qui ne bouge pas, et pour toujours. On peut échapper à l'amour, par malheur ou par chance, c'est selon. On n'échappe pas à la gravité. Du moins pour la matière. Car il y aussi l'antimatière. L'antimatière, on la connaît moins bien, c'est une matière à réflexion, ou à recherche. Et il vaut mieux la rechercher que la trouver, puisque quand on la trouve, elle s'annihile avec la matière en faisant un gros boum/antiboum. Gros, puisque la disparition de 0,7 gramme d'antimatière dégage plus d'énergie que la bombe d'Hiroshima. Bref, l'antimatière, c'est chaud-bouillant !


En pratique, on sait peu de choses sur elle. On pense qu'il s'en trouve un petit peu partout, en balade dans l'espace. On s'interroge sur l'existence d'antiplanètes, d'antisystèmes antisolaires, ou même d'antigalaxies, mais on s'en fout un peu. Vous et moi, je veux dire. Pourquoi ? Parce que c'est loin ! Okay… sauf que jusqu'ici, comme matière et matière s'attirent, "on" pensait que matière et antimatière se repoussaient. "On" était un peu naïf, mais ça peut se comprendre : j'ai posé la question au bistrot où j'ai mes habitudes, et les réponses étaient plutôt floues, comme quoi ce n'est pas si simple. Mais si la matière et l'antimatière s'attirent au lieu de se repousser, comme l'affirme l'article, ça change tout. Ça veut dire que s'il y en a quelque part, elle vient vers nous. Vite, pas vite ? Bonne question !


Tenez, je vais prendre un exemple. Imaginez qu'il y ait quelque part dans l'univers un anti-moi. Tout nous oppose : il a des cheveux roux, pour être à la fois anti-brun et anti-blanc ; il est petit, jovial, un peu enveloppé, il a des anti-yeux bleu et il déteste les jeux de mots et le beurre salé. A priori, cet anti-type devrait m'être anti-pathique, ou au moins ne pas m'attirer des masses. Eh bien, il n'en est rien : il m'attire, nous nous attirons ! Et si ça se trouve, il est, au moment où vous me lisez, en train de foncer vers moi qui fonce vers lui. Ça pourrait être comique, c'est tragique ! Tragique, puisque si nous nous rencontrons, le contact ne passera pas inaperçu. Il dégagera plus de 100 000 fois la puissance de l'explosion d'Hiroshima ! à ce tarif-là, ce sera la rencontre du siècle !


Si ça se produit, je n'y survivrai pas, c'est clair. Mais quid de mes voisins, et des voisins de mes voisins, tous plutôt sympa ? Et si je veux les préserver, dois-je fuir la ville et m'installer à la campagne ? Ou mieux, dans un lieu retiré, loin de tout ? Ce serait courtois et responsable, mais ça va me demander du temps. Oui, et si la rencontre se produit avant que j'aie pu le faire ?


Dans ce cas-là… bien sûr… eh bien… je…

Je m’excuse !



Image : Unsplash

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